Friday, February 24, 2006

G rippe aviaire : surveiller et contrôler la maladie animale


Surveillance et contrôle sont deux instruments cruciaux de la lutte contre le virus H5N1, partout où il est présent. Le Cirad participe depuis le début de la crise à des missions d’évaluation, organise des formations, et fournit un appui à la réalisation d’enquêtes épidémiologiques ainsi qu’à l’acheminement des prélèvements vers les laboratoires d’analyse.

L’épizootie actuelle de grippe aviaire à virus H5N1 hautement pathogène a débuté en Asie du Sud-Est à la fin 2003. Elle a entraîné dans ces pays (Vietnam, Thaïlande, Indonésie, République populaire de Chine et Hong-Kong, République de Corée, Cambodge, Japon, Malaisie, Laos) la perte de centaines de millions de volailles, touchées par la maladie ou détruites dans le cadre de programmes de lutte. Elle a un impact économique considérable pour les éleveurs et les consommateurs, notamment chez les petits aviculteurs. Le gouvernement vietnamien estime qu’en 2004, la perte économique s’est élevée à 0,5 % de son PIB. Par ailleurs, lors de contacts étroits avec des oiseaux malades, l’homme peut être contaminé et développer une maladie mortelle dans près de la moitié des cas déclarés et avérés (88 / 165 au 06 février 2006, rapportés dans le monde depuis le début de l’épizootie). Enfin, la nature du virus le rend sujet à de fréquentes mutations avec, à terme, le risque d’aboutir à une souche contagieuse pour certains mammifères comme le porc, ou directement transmissible d’homme à homme (ce qui n’est pas le cas actuellement), situation qui serait susceptible d’entraîner un pandémie avec de graves conséquences pour la santé publique.

Dans ces conditions, la seule mesure globalement efficace, tant sur les aspects économiques que de santé publique, est de lutter contre le virus H5N1 partout où il est présent, et en premier lieu en Asie du Sud-Est. Il est également crucial de surveiller son éventuelle extension de manière à mettre en œuvre tous les moyens possibles pour éteindre l’infection dès qu’elle apparaît. Les événements récents au Nigeria en témoignent puisque le foyer initial n’ayant été contrôlé que tardivement par rapport à la suspicion, le virus s’est ensuite rapidement propagé à d’autres exploitations.

L’Europe et l’Afrique sont désormais infectés. En Afrique, le foyer du Nigeria risque de s’étendre rapidement aux pays voisins puis à l’ensemble du continent, créant ainsi un foyer qu’il sera très difficile d’éliminer.

Les conséquences socio-économiques de la grippe aviaire en Afrique risquent d’être extrêmement importantes, affectant des millions de petits éleveurs qui tirent de cette activité un revenu d’appoint et une source majeure de protéines animales.

L’organisation mondiale de la santé animale (Oie) et l’Organisation des Nations-unies pour l’agriculture et l’alimentation (Fao) ont la charge, sur le plan international, d’organiser la lutte contre la maladie animale, en collaboration avec les services vétérinaires nationaux, publics et privés. Les objectifs sont de les aider à mettre en place des réseaux de surveillance épidémiologique, s’appuyant sur les organisations de producteurs et les éleveurs eux-mêmes, et de les inciter à organiser des campagnes de lutte et de prévention basées sur une stratégie régionale et mondiale. Centre collaborateur de l’Oie en épidémiologie, et laboratoire de référence de l’Oie et de la Fao pour plusieurs maladies animales, le Cirad a participé dès le début de l’épizootie à des missions d’évaluation de la situation sanitaire et des moyens de lutte mis en œuvre au Vietnam et au Cambodge. Il a également organisé en Chine et en Thaïlande des ateliers de formation en épidémiologie rassemblant des participants en provenance de 21 pays d’Asie du Sud-Est et du Sud.

L’épidémiologie de la grippe aviaire implique de nombreuses souches virales circulant au sein de populations variées d’oiseaux sauvages et domestiques et en interaction. Le rôle des oiseaux migrateurs dans la diffusion de la maladie à longue distance fait l’objet d’un débat scientifique. Il est maintenant prouvé que certaines espèces d’oiseaux sauvages – en particulier des canards, (Chen et al, PNAS, 2006) – seraient capables de survivre à l’infection et d’excréter le virus pendant suffisamment longtemps pour le transporter sur de longues distances. Sur plus de 4600 canards sauvages apparemment sains, 6 portaient le virus H5N1 HP en Asie du Sud-Est. Des infections expérimentales réalisées en laboratoire avec une souche très pathogène du virus H5N1 ont montré qu’en milieu contrôlé certains canards colverts ne développaient pas de symptôme de la maladie mais étaient porteurs et excréteurs du virus.

Le Cirad a acquis une expérience dans l’étude, la surveillance et la gestion des maladies à étiologie complexe en milieu tropical. Il s’est investi depuis plusieurs années dans des travaux sur les risques d’émergence des maladies animales transmissibles à l’homme et liées à des changements environnementaux et climatiques, et sur les risques de transmission de maladies entre la faune sauvage et domestique. Le Cirad peut donc utilement contribuer à la compréhension et à la gestion des risques d’occurrence de la grippe aviaire. Dès l’été 2005, il a participé à une mission organisée par l’Oie pour évaluer la situation sanitaire et le rôle de l’avifaune sauvage dans l’apparition de foyers de grippe aviaire en Sibérie.

Cette extension de la maladie en dehors de son berceau asiatique a marqué le début d’une prise de conscience de l’ampleur du danger et d’une mobilisation internationale intense. Longtemps réfutée par les ornithologues, la question du rôle des oiseaux migrateurs dans la diffusion du virus à longue distance était relancée.

A l’automne 2005, la FAO sollicitait le Cirad pour participer à cinq programmes de coopération technique en Europe de l’Est, au Moyen Orient et en Afrique visant à renforcer la surveillance épidémiologique du virus H5N1 hautement pathogène dans ces régions, évaluer les risques d'introduction notamment par les migrations et du commerce des oiseaux sauvages et utiliser ces données pour préparer un plan d'intervention d'urgence. A ce titre, le Cirad intervient avec des partenaires français (Office national de la chasse et de la faune sauvage - Oncfs) et européens (Wetlands International, Royal Veterinary College of London), en collaboration avec les services vétérinaires et de la faune sauvage des pays concernés.

Sur un plan pratique, cette collaboration se manifeste par l’organisation de formations en épidémiologie, la fourniture de conseils pour la mise en place de réseaux de surveillance, une aide à la réalisation d’enquêtes épidémiologiques sur l’avifaune sauvage, l’organisation de l’acheminement des prélèvements vers les laboratoires d’analyses, et un appui à l’analyse et la synthèse des informations qui lui sont confiées.

Les premiers résultats d’analyses de laboratoires, destinés avant tout aux pays dans lesquels les prélèvements sont effectués, sont attendus dans le courant du mois de mars 2006.

A la suite de l’arrivée de la grippe aviaire en Afrique, un accent particulier va être mis sur ce continent en multipliant les sites de prélèvements d’oiseaux sauvages, en intensifiant les formations et en organisant des activités de recherche qui permettent de mieux comprendre comment la maladie est introduite, comment elle diffuse, comment elle se pérennise, quel est son impact socio-économique.

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